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fonda quatre villages. Il en destina un à lui-même en l’appelant Frâz-marââwar-khudâyâ (Vienez à moi, ô Seigneur !), et donna aux trois autres les noms de Zarwândâdhàn, de Kârdâràn et de Mâhguênaspân en les destinant à ses trois fils Zarwândâdh, Kàrdâr et Mâhgusnasp, auxquels il réserva en outre trois des plus grandes charges de TEtat. Dans la même région il fit planter trois jardins, dont le premier contenait 12,000 dattiers, le second 12,000 oliviers et le troisième 12,000 cyprès. Et tout cela existait encore au 9® siècle ap. J.-C, comme un témoignage de l’activité de Mihr Narsê, et était alors entre les mains de ses descendants[1]. Evidemment, Mihr Narsê était le modèle d’un patriarche iranien qui, bien que le poids du gouvernement tombât sur lui, ne négligeait pas de prendre soin de ses terres et de travailler à leur prospérité pour un avenir lointain. Il faut bien croire qu’occupés de la poursuite des charges, des titres et des rangs et attirés par l’éclat de la cour et de la capitale, la plupart des seigneurs n’ont pas embrassé avec une telle ardeur les intérêts de leurs terres.

Les actes syriens des martyrs chrétiens nous donnent quelques renseignements épars. Après la mort de Sahrên de la famille de Mihrân, son frère envoie chercher le fils du défunt, GuSnyazdàdh (le saint Sâbhâ) qui doit diriger le Jour del’ofi’rande, les cérémonies du repas sacré sur la terre de famille, devoir représentatif qui incombait au visbedh, même s’il était mineur, comme dans le cas présent. Quand l’oncle, qui est le tuteur de GuSnyazdâdh, apprend que celui-ci a embrassé la foi chrétienne, il se regarde lui-même comme le possesseur légitime des biens de famille. On peut donc supposer que l’apostasie a amené, au moins pendant certaines périodes de l’époque sassanide, la perte des fiefs héréditaires qui venaient alors au prochain héritier. Dans le cas présent, l’oncle meurt quelques jours après, et Guènyazdâdh prend possession de sa fortume, qu’il partage entre les pauvres[2].

Il est relaté de Mihrâmguânasp (le saint Gîwargis), qui était de la race royale et dont le père avait été Ostândâr de Nisibe et le grand-père préfet de la Nouvelle-Antioche fondée par Khusrau I (voir Tab. Nœld. p. 165), que son bien de famille était le village Paqôryâ dans le district Nanêâtar en Babylonie, et qu’il possédait, selon la coutume des grands seigneurs, une maison magnifique dans la capitale. Quand la peste éclata là, Mihrâmguânasp, qui alors ne s’était pas encore fait chrétien, s’enfuit — comme font d’ordinaire les payens, dit malicieusement l’auteur chrétien — à une de ses terres. Il avait confié à un chrétien la surveillance de ses villages et „de ses autres esclaves"[3]. L’explication de celte expression singulière est probablement, que les paysans des villages étaient des serfs dont la situation n’était pas bien différente de celle des esclaves privés du seigneur; ce serait alors le même état de choses que nous avons trouvé déjà sous le régime des Parthes.

Nous n’avons pas de renseignements précis sur les privilèges dont jouissaient les feudataires; nous ne savons pas, si le gouverneur royal a eu quelque autorité

  1. Comp. Nœld. p. 502.
  2. Hoffmann: Auszûge aus syr. Akten pp. 68 sqq.
  3. Ibid. p. 93 sqq.