Page:Christensen - L'Empire des Sassanides, le peuple, l'état, la cour.djvu/19

Cette page n’a pas encore été corrigée
18

avec le même zèle et le même recueillement au bruit de cymbales parsis[1]. Si Ton a tant disputé sans résultat sur la religion des Achéménides et des Arsacides, c’est, à mon avis, parce qu’on n’a pas bien compris cette tendance au syncrétisme et à l’éclectisme en matière de religion qui est si commune et si marquée surtout en Iran[2].

Encore une preuve que le parsisme n’a pas été la religion d’Etat avant l’avènement des Sassanides, nous est fournie par la tradition des parsis. Celle-ci, qui apparaît tant dans les livres pehlvis que chez Firdousî, connaît l’ancienne histoire légendaire du nord et de l’est de l’Iran, qui était liée à l’histoire des origines de la religion zarathoustrienne. Après Zarathoustra il y a une grande lacune jusqu’à la création du nouvel Empire perse par le Sassanide Ardeèir Pâpakân. Les périodes des Achéménides et des Parthes sont ignorées comme des époques étrangères au parsisme[3].

Enfin, pour comprendre la situation dans laquelle vivait le zarathoustrisme pendant tant de siècles, étant la religion populaire de la plus grande partie de l’Iran, sans être reconnu comme religion officielle, qu’il nous soit permis de rappeler le schiisme, qui était également durant des siècles la foi de la plupart des Persans, tandis qu’une dynastie sunnite succédait à l’autre, jusqu’à ce qu’Ismaîl le Séflde suivit l’exemple d’Ardeâlr Pâpakân en élevant la religion populaire au rang de religion d’Etat et en fondant un Empire national sur un clergé national. Le parallèle est assez frappant, ce me semble; seulement le schiisme du moyen âge était plus sujet aux persécutions que le zarathoustrisme sous les Achéménides et les Arsacides, parce que le sunnisme qui régnait au moyen âge était bien fanatique, et que la Perse ancienne n’avait pas de théologie officielle qui pût servir de point d’appui au fanatisme religieux.

  1. Gobineau: Les Religfions et les Philosophies de l'Asie centrale pp. 8—9.
  2. Cette disposition mentale des Iraniens est parfaitement tracée dans Tœuvre susnommée de Gobineau.
  3. L’identification d’Artaxerxe Lon^^e-Main avec le dernier roi de la dynastie légendaire des Kaîanides, due à l’historiographie sassanide, et le fait que Cyrus est Inconnu et que deux rois achéménides seuls, du nom de Dârâ (Darius), sont connus des historiens persans, montrent que la tradition a été complètement muette sur ce point, vu surtout que du premier des deux Dârâ il ne reste que le nom, tandis que l’autre (Darius III) est traité en connection avec l’histoire d’Alexandre d’après PseudocaUisthène. Des rois parthes la tradition connaît un Vologase — il n’est pas possible de déterminer lequel — qui aurait essayé, le premier, à rassembler les livres saints — phénomène unique parmi les Arsacides. D'ailleurs, pour combler la lacune entre Alexandre et Aixlesîr, faussement évaluée à deux cents ans, les historiens sassanides ont inventé quelques noms absolument dépourvus de idéalité. Seul, le dernier de ces „rois de province", Artaban V, est resté dans la mémoire du peuple en sa qualité d’antagoniste du premier Sassanide. Sans nul doute, AI-Ya’qûbî exprime la tradition parsic en disant formellement que les Arsacides n’étaient pas des partisans de la religion des mages, mais qu’ils vivaient selon les lois des Sabiens et adoraient le soleil, la lune et les sept planètes, et qu’Ardesîr Pâpakân fut le premier roi de Tlran qui professa la religion des mages (Edition de Houtsma I p. 179).