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dans les bas-reliefs de leurs tombeaux, debout devant l’autel du feu, cela ne signifie pas nécessairement que ces rois aient été des zarathoustriens: le culte du feu était pré-zarathoustrien, il semble plutôt qu’il se soit effacé en quelque mesure par la réforme de Zarathoustra, pour regagner plus tard le terrain perdu[1].

Ainsi l’assertion d’Isidore de Characène[2] qu’un temple du feu se trouvait à Âsaak, point de départ de l’invasion des Arsacides, est également sans valeur pour la solution du problème de la religion des Arsacides. En effet, il est évident que la position du zarathoustrisme est la même sous le régime parthe que sous les Achéménides; seulement, il a eu, à côté de Taraméisme, un nouveau concurrent dans l’hellénisme. Quand- les auteurs grecs et romains mentionnent les mages pendant la période parthe, ils se servent de ce nom bien connu pour désigner toutes sortes de prêtres orientaux, des astrologues, des devins etc. Il n’est donc pas sûr qu’il soit question de prêtres zarathoustriens, quand le «conseil des sages et des mages*’ est mentionné, non plus quand il est dit que le roi immolait, en présence des mages, un cheval niséen au soleil[3]. Cependant on s’aperçoit de l’influence des idées zarathoustriennes. Gutschmid a noté, par exemple, que le prince parthe Tiridate, allant à Rome, a pris la route par terre pour ne pas souiller l’eau. Mais le parsisme n’est pas la religion officielle: l’intolérance qui se fait remarquer aussitôt que, sous les Sassanides, le zarathoustrisme devient la religion d’Etat, est inconnue pendant la période parthe. Les pièces de monnaie et les œuvres d’art des Arsacides portent des images de déités helléniques, comme l’art des Achéménides avait été empreint de babylonisme.

Le syncrétisme religieux est encore plus marqué à Test de l’Iran, où les monnaies indoscythes montrent un panthéon de déités indiennes, grecques, zarathoustriennes, bouddhiques et appartenant à d’autres peuples de l’Asie centrale. Neréakhî, le chroniqueur de la ville de Boukhare, nous apprend qu’il y a eu autrefois, à Boukhare, un culte de la lune en connection avec un marché semestriel où l’on vendait des images de dieux, probablement bouddhiques. Plus tard, quand le zarathoustrisme y trouva accès, il fut confondu avec les anciens cultes, et le marché des idoles se tenait, joint au service du nouveau temple du feu, qui avait hérité le nom de la lune de l’ancien culte. Quand, quelques siècles après, l’islamisme fut introduit, le temple de feu fut remplacé par une mosquée qui reçut le nom de «mosquée de la lune"[4]. De nos jours encore on a relevé un cas analogue: le temple du feu à Bakou, où des idoles sivaîtes, des vases parsis, des images russes de saint Nicolas et de la Vierge, et des crucifix catholiques sont exposés et adorés

  1. De même le barusma ou buriuma, les rameaux sacrés, qu’on trouve en usage parmi les Perses en Egypte au temps d’Ârtaxerxe I (Inscription araméenne de Syène, note d’Andréas dans l’Ëphemeris fur semitische Epigraphili 11 p. 222), semble avoir appartenu au culte pré-zarathoustrien.
  2. Éd. Fabricius (Dresd. 1849) p. 14.
  3. Flav. Philostr. 1, 31. On peut comparer la description, dans la Cyropédie de Xénophon, du sacrifice solennel de Cyrus qui n’est rien moins que zarathoustrien.
  4. Nersakhi: Description de Boulihare, publ. p. Schefer pp. 18-19; comp. ma notice sur la mosquée Mâkh dans la «Oriental. Litteratur-Zeitung (février 1904).