Page:Christensen - L'Empire des Sassanides, le peuple, l'état, la cour.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée
16

cette fête le ^meurtre du mage** (ou „des mages**) et non pas par exemple le «meurtre du Mède*", on souligne l’antagonisme. religieux entre la Perse des Âchéménides et les partisans des mages, la joie d’être échappé à la domination des prêtres zarathoustriens. L’existence et le nom de cette fête montrent clairement que les mages n’ont pas été le clergé officiel et privilégié sous les Achéménides[1]. Mais les Perses ont adopté successivement les éléments les plus importants de la religion zarathoustrienne, tout en restant fidèles à leurs anciens dieux populaires. Ils ne craignaient pas non plus de faire des emprunts aux religions des peuples étrangers: on a des inscriptions égyptiennes, grecques et babyloniennes, faites sur l’ordre de Cyrus, de Cambyse et de Darius, où ces rois honorent des dieux égyptiens, grecs et babyloniens avec un libéralisme inconcevable chez des „ confesseurs" zarathoustriens et des partisans de la hiérarchie des mages. Chaque année, au jour de l’an, Darius recevait, selon la coutume de Babylone, la sanction de sa royauté babylonienne en saisissant la main de la statue de Marduk; c’était de la politique, mais une politique que le zarathoustrisme comme Eglise d’Etat aurait difficilement soufferte. Et quand Artaxerxe I reconnaissait Jahve comme un dieu puissant[2], il n’y avait là de politique. Encore Cyrus le jeune ou son génie protecteur est représenté, dans le bas-relief bien connu de Murghâb, sous la forme d’une déité ailée d’après le modèle babylonien et portant sur sa tête des insignes divins égyptiens.

En outre, les Perses, jusqu’au temps de Strabon en tout cas, c’est-à-dire longtemps après la fin de l’Empire des Achéménides, continuaient à enterrer les morts au lieu de les exposer aux oiseaux de proie, comme il était prescrit par les livres saints des zarathoustriens; mais ils les enterraient enduits de cire afin de ne pas souiller les éléments, en quoi il faut voir certainement l’influence de l’esprit avestique.

Ainsi la période achéménide est une période de syncrétisme. Le zarathoustrisme, qui se répand de plus en plus parmi la population iranienne, ne laisse pas d’influencer les rois et l’Etat; mais l’araméisme, cette religion qui est pour ainsi dire la fusion des anciennes formes de paganisme sémitique, et qui règne presque partout dans l’Asie antérieure à l’ouest du Tigre, l’égale en force. Des trois résidences des Achéménides, Ecbatane est le centre du zarathoustrisme, Babylone celui de l’araméisme; Persepolis, la patrie de la race royale et des grands clans perses, est le foyer du culte des anciens pénates aryens. Voilà ce qui explique que le zarathoustrisme ne parvenait pas à une position dominante malgré tous les emprunts que les Perses y ont faits. L’araméisme leur avait montré, comment on pouvait tenir ouverts les cadres de la religion et adapter les idées religieuses d’un certain milieu à celles d’un autre. Si Darius et ses successeurs se présentent,

  1. D’aucuns prétendent que les mages ont été les prêtres d*une religion mède quelconque et ennemis du zarathoustrisme qui aurait été alors la religion des Achéménides. Gela me semble une hypothèse de pure fantaisie et d’autant moins probable que le zarathoustrisme aura dû sans doute passer par la Médie avant d’arriver à la Perse.
  2. Ëduard Meyer: Gesch. d. Âlterth. III p. 126.