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des greniers à blé) et à Abêl (le majordome et chambellan) des villages qui furent nommés d’après eux, et il ajoute que ce sont là les gouvernements de Gabelean et d’Abelean[1]; sans doute le mot ^gouvernement" (nakhararut’iun) doit être employé ici avec la signification de fief. En énumérant les fiefs (nahapeiut’iun) distribués par Valarëak, Moïse mentionne que la famille de Goucar devenait les toparques (bdeaikh) du nord, mais il appelle formellement cette toparchie une ^principauté*" (nahapetut'iun)[2]. Et on pourrait facilement multiplier les exemples de cette confusion qui ne s’explique qu’en supposant que les gouvernements aient été — au moins en partie — héréditaires en Arménie et soient devenus par là de véritables principautés, et qu’ainsi l’évolution ait été |>lus avancée en Arménie qu’en Iran.

Les plus puissants des gouverneurs étaient les quatre bdeaSkh ou toparques qui gouvernaient les marches situées vers les quatre points cardinaux. A cette charge étaient joints de grands fiefs dans la toparchie ; ainsi Saraêan de la famille de Sanaçar eut, selon Moïse, le poste de grand bdeaskh de la partie sud-ouest et en apanage le canton d’Arzn, le pays d’alentour, le mont Taurus et toute la Coelé-Syrie. Que l’institution des bdeaskh ait été emprunté aux Parthes, c’est ce que montre non seulement le nom, qui est un mot iranien {bdeaSkh avec metathèse pour *bdeakl^y qui dérive, selon M. Andréas, d’un mot iranien ^patyâkhstar, ^inspecteur ""[3], mais aussi ce fait qu’on trouve sous les Sassanides la même institution sous une forme plus développée, tout le royaume perse étant alors partagé en quatre gouvernements généraux d’après les points cardinaux[4].

On attribue à Valaréak une série d’autres dispositions relativement aux afTaires de la cour et de l’Etat. Il divisa en plusieurs classes la milice, — qui a été employée, probablement, pour la défense des frontières, tandis que les grandes guerres étaient faites au moyen de la levée féodale, — il fixa les heures des audiences, des conseils et des divertissements et nomma deux rapporteurs, ^chargés de rappeler par écrit au roi, l’un, le bien à faire, l’autre, les vengeances à exercer" en enjoignant au premier de prévenir que le roi ne donnât, dans sa colère, des ordres iniques, et de le rappeler à la justice et à la philanthropie[5]. Il créa des justiciers dans les villes et les campagnes et «Crdonna aux citadins de tenir un rang supérieur à celui des paysans, à ceux-ci d’honorer les citadins comme leurs supérieurs, enfin aux gens des villes de ne pas être hautains envers les paysans" etc. Tout cela reflète certainement des institutions iraniennes.

  1. Langlois II p. 83.
  2. Ibid. p. 84.
  3. Le nomiDatif de ce mot, patyâkhṡt(â), est devenu *pédhâkhṡ > *pâdhâṡ; déjà sous les Sassanides ce mot, ayant été combiné, par une fausse étymologie, avec le mot šâh (« roi »), est devenu pâdhešâh, pâdhešâ et a reçu en néo-persan et en turc la signification d’« empereur » (Andréas). Pour les bdeąškh de l'Arménie v. Marquart: Êrânšahr I p. 165 sqq. M. Marquart est de l'avis que l'institution des quatre bdeąškh a été introduite par Tigrane le Grand.
  4. Les quatre pâdhghôspânats, v. plus tard.
  5. Comp. le Nihâyatu’l-irab (Browne, JRAS. 1900 p. 232), où il est dit du roi sassanide Khusrau I, qu’il ordonnait à ses ministres de s’entremettre, s’il prononçait un jugement inique.