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des conseils et qui auraient prêté à des événements importants une certaine sanction religieuse[1]. L’influence de cette assemblée semble n’avoir jamais été considérable; en tout cas nous n’entendons jamais, que « les sages et les mages » aient été pour quelque chose dans la destinée de l’Empire parthe: cette assemblée n’aurait eu qu’une autorité consultative, tandis que le « sénat » était une vraie puissance dans l’Etat.

Le petit nombre de grands seigneurs qui avaient leur centre dans le sénat, s’étaient arrogé le droit d’occuper tous les postes importants, les postes d’honneur à la cour ainsi que les grandes charges publiques. De cette façon la noblesse féodale fut en même temps une noblesse de robe. Le peu de renseignements sur les institutions de l’Etat parthe que nous donnent les sources gréco-romaines, sont suppléés par ce que racontent les chroniqueurs et historiographes arméniens sur l’organisation de leur propre pays. Etant dominée, depuis l’an 66 ap. J.-C, par une branche de la famille arsacide, l’Arménie fut réorganisée d’après le modèle parthe. Moïse de Khorène a donné un récit intéressant de cette transformation accomplie par Valaršak, le premier roi arsacide de l’Arménie[2]. Valaršak commence par l’organisation de la maison royale. Le chef de la famille des Bagratuni, à qui la tradition a donné une origine juive, reçoit la dignité de chef de famille[3] avec la charge héréditaire de mettre la couronne sur la tête du roi[4], le poste également héréditaire de général de la cavalerie et le droit de porter le diadème avec trois rangs de perles, sans or ni pierreries, quand il se trouve à la cour ou dans la chambre du roi. Le chef d’un autre clan obtient la charge de mettre au roi ses ornements royaux. Les gardes du corps royales sont composées par les membres d’un autre clan ou plutôt d’une tribu privilégiée. D’autres charges sont partagées entre diverses familles, celles de préposé aux chasses royales, d’intendant des greniers à blé, de majordome et chambellan, d’échanson, de préposé aux sacrifices, de fauconnier, de gardien des résidences d’été et celle de porter les aigles devant le roi à la guerre. Probablement ces familles-là n’ont pas toutes été des premières avant ce temps, car Moïse dit expressément que celle qui recevait l’emploi d’échanson fut élevée au rang des gouverneurs (nakharar), et que celle qui eut la direction des résidences d'été du roi fut anoblie « comme gens de la maison royale ».

Après avoir arrangé ainsi sa cour, Valaršak donna des fiefs et des gouvernements à ses grands. Chez Moïse ainsi que chez les autres historiens arméniens, il y a une confusion remarquable dans l’application des mots « principauté » (fief) et « gouvernement ». Moïse raconte p. ex. que Valaršak avait donné à Gabal (l’intendant

  1. Strabon dit que l'élection d’un grand roi prenait place toujours dans ces deux assemblées. A notre avis, cela veut dire que l’élection avait lieu dans le « conseil des parents » (le « sénat ») et recevait, plus tard, une confirmation solennelle dans l’assemblée des sages et des prêtres.
  2. Valaršak est la forme arménienne du nom Vologase, avec le suffixe -ak. En réalité le fondateur de la dynastie arsacide en Arménie était Tiridate, frère du roi parthe Vologase I et reconnu comme roi par l'empereur Néron en l'an 66 (Voir Marquart dans le ZDMG. t. 49 p. 639). La chronique de Moïse a été traduite en français par Langlois dans sa Collection des historiens de l'Arménie II p. 82 sqq.
  3. Tanutêr est la traduction exacte de visbedh.
  4. Le privilège qui, dans l'Etat parthe, était attaché à la famille Sûrên.