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LA CIGALE EMPRUNTE ET CHANTE

Ah ! s’il avait pu comprendre qu’il faisait dès lors une première expérience des travestissements injustes de la vie sociale, où il n’y a pas que le geai stupide qui emprunte au paon plus stupide encore, mais où tant de cigales chantent aux dépens des fourmis !

On a reproché quelque part au fabuliste Lafontaine d’avoir faussé la vérité entomologique et calomnié la cigale, qui n’aurait jamais rien emprunté à cette fourmi, égoïste, avare, accapareuse, méritant plutôt de personnifier, nous aurions mis le monopoleur, mais on a dit le bandit de grand chemin.

Pardonnons, pardonnons, nous, à Lafontaine dont la bonhomie n’entendait pas malice, d’avoir prêté aux animaux ce qu’il a trouvé chez les hommes ; d’avoir fait dire à l’apologue ce que raconte plutôt l’histoire, et d’avoir laissé aux idéologues une métaphore qui leur aide si bien à peindre certaines réalités de nos scènes sociales, où tant de faiseurs brillent pour tant de timides.