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de la mer, ou dans l’intérieur de la forêt, sous la tente d’un sauvage, dresser un autel, consacrer les mariages par les bénédictions de l’Église, mariages souvent contractés déjà devant un notable de la place ou le chef du campement, suppléer aux cérémonies du baptême, catéchiser les enfants, donner la première communion, enfin couronner la mission par une retraite de deux ou trois jours et confesser tout le monde ; car tous accouraient à la mission, et la suivaient religieusement. Et après s’être réconciliés avec leur Dieu, ils s’en retournaient plus forts contre les épreuves à venir, consolés de leurs souffrances actuelles.

À la nouvelle de la venue du missionnaire, on s’empressait de se rendre à l’habitation la plus vaste, qui lui servait alors de chapelle et de résidence. Des familles entières faisaient cinq à six lieues et quelques fois plus, par des chemins difficiles, à travers la forêt, ou montés sur des barques conduites par des jeunes gens. On campait autour de l’habitation du missionnaire et l’on y restait tout le temps de son séjour au milieu d’eux, tant on était heureux de sa présence et avide des secours de la religion. On assistait à tous les offices qui duraient presque des journées entières, avec la piété et le recueillement des chrétiens des temps apostoliques.

« Spectacle singulièrement émouvant, s’écrie M. Rameau de St-Père, que celui de cette affluence agreste et enthousiaste, autour de ce visiteur étrange, isolé, presque misérable. Quand il survenait à travers les bois, accompagné d’un ou deux sauvages, sa simplicité, son dénûment même, n’était pas sans grandeur. Mais on comprend difficilement comment un homme pouvait suffire à une telle besogne. Les stations étaient plus fatigantes encore que les parcours ; il faut réellement que dans ces réunions où se reflétait tant de puissance morale, les missionnaires aient puisé des joies intérieures et des consolations religieuses qui seu-