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effet de votre diſcours ; vos expreſſions ſont ſi vives & ſi naturelles, que vous repréſentez les objets comme ſi on les voyoit, comme ſi on les ſentoit. Mais que faites-vous, Tullie ? Ah retirez ce doigt adultere qui me met tout en feu ! achevez, je vous prie, de me dire comment vous paſſâtes le reſte de la nuit avec votre petit mari.

Tullie.

Oronte dormit pendant quelques heures ; pour moi je ne fermai pas ſeulement les yeux, quelqu’envie que j’euſſe de repoſer : les flambeaux étoient encore allumés, & il me vint à la penſée d’ouvrir une fenêtre qui regardoit dans le jardin. Je me levai toute nue, & je l’ouvris ſans qu’Oronte ſe réveillât ; j’éteignis les flambeaux, car il faiſoit jour ; & comme j’avois beſoin de piſſer, je pris le pot-de-chambre : mais à meſure que l’urine tomboit, elle me cauſoit une douleur ſi âcre & ſi mordicante, qu’à peine pouvois-je la ſupporter. Les gémiſſements que je pouſſois, éveillerent Oronte ; il me regarda fixement, & me dit : Qu’eſt-ce qui vous fait mal, ma mignonne ? Je quittai auſſi-tôt le pot-de-chambre, quoique je n’euſſe pas encore achevé. Je croyais que vous dormiez,