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un n’a eu encore la hardieſſe de la décider : mais je t’aime trop, mon petit cœur, pour te rien refuſer ; voici ce que j’en penſe.

Pour bien débrouiller cette queſtion, il faut que tu ſaches que les Philoſophes ne ſe ſont point accordés ſur ſiege de l’ame : Hippocrate le met au ventricule du cerveau ; Zenon & les Stoïciens, dans la tête & dans le cœur ; Empédocle le met au ſang ; comme auſſi Moïſe : ce qui fut cauſe que ce ſage Légiſlateur défendit aux Juifs de manger le ſang des bêtes. Galien a cru que chaque partie avoit ſon ame ; Ariſtote qu’elle étoit répandue par tout le corps ; & moi (n’en déplaiſe à tous ces grands hommes) je crois que ſon véritable ſiege eſt dans les teſticules de l’homme & de la femme. Selon cette opinion, il eſt facile de répondre à la queſtion que tu m’as faite touchant la briéveté du plaiſir vénérien ; car comme je te viens de dire, ſi la ſemence eſt le ſiege de l’ame, (comme il n’en faut point douter) ergo chaque goutte qui ſort, en eſt une portion : de maniere que la nature a été fort ſage d’en modérer l’éjaculation, de peur qu’en l’abandonnant à nos deſirs déréglés, il ne s’en fît une évacuation entiere, qui entraîneroit tout le genre humain. Une preuve de ce que je dis,

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