la virginité, j’avoue que tous les plus riches
tréſors ne les égalent pas : j’y ſuis déja tellement
accoutumée, que je me paſſerois plutôt
de boire & de manger que de ces agréables
paſſe-temps. C’eſt fort bien, me dit-elle : tu
parles comme une Sybille ; & toute fille qui ne
goûte pas les délices de Vénus, ne jouit point
proprement de la vie. Comme nous y avons
toutes un penchant violent, on s’eſt aviſé de
modérer ces mouvements innocents de la nature
par des idées chimériques d’honneur ; on
veut même que la religion y ait part : les ſottes
en ſont effrayées ; mais les ſages n’en croyent
rien ; ce qu’elles font, c’eſt d’éviter les dehors,
& cacher les apparences, pour s’accommoder à
l’ignorance du ſiecle. Elle auroit moraliſé davantage,
ſi Oronte ne ſe fût approché de nous.
Angélique le ſalua, & lui fit un compliment de
congratulation, ſur ce qu’il étoit venu heureuſement
à bout d’un pucelage qui auroit pu donner
de la peine à Jupiter.
Sais-tu qu’Angélique a beaucoup d’eſprit, & qu’elle dit les choſes d’un air à plaire à tout le monde ? Ma mere donna une grande taſſe d’hippocras à Oronte : Buvez cela, mon fils, lui dit-elle, pour vous fortifier & réparer les forces que vous avez perdues ; ſi vous me croyez, vous