le baiſer des yeux, & m’ouvrit après avec les
doigts l’endroit où il vouloit entrer. Il y poſta
à l’entrée ſon inſtrument de guerre, & prit ſi
bien ſes meſures, que l’ayant pouſſé de toutes
ſes forces, je le ſentis entrer plus avant qu’il
n’avoit encore pu faire auparavant. Sérieuſement,
Octavie, je crus qu’il m’avoit miſe en pieces ;
ma douleur fut ſi grande, que non-ſeulement
je ne pus retenir mes larmes, mais même je n’eus
pas aſſez de conſtance pour m’empêcher de crier
hautement. Oronte touché alors de quelque pitié,
s’arrêta tout court au milieu de ſa courſe :
Je fais trêve pour un moment, dit-il : prenez
cependant courage, vous n’avez plus guere à
ſouffrir ; j’ai fait cette fois plus que la moitié
du chemin ; voyez-le vous même. Le danger
où j’étois, fit que j’y portai la main, & je trouvai
qu’il diſoit la vérité ; mais ce qui reſtoit
au-dehors, étoit le gros & le plus nerveux : il
me mit la langue à la bouche ; & ayant pouſſé
en même-temps un coup ou deux, il entra plus
avant. Ah ; malheureuſe que je ſuis ! diſois-je,
vous me tuez ; arrêtez-vous mon cher Oronte,
modérez un peu ces ſecouſſes ſi cruelles. Avec
tout cela, malgré ma douleur, je le tenois fortement
entre mes bras, & j’avois toujours mes
cuiſſes en l’air, afin de l’aider par cette poſture
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