bien la douleur que vous me faites ſouffrir eſt
cruelle, vous auriez pitié de Tullie, pour peu
que vous euſſiez d’amour pour elle. Cette douleur,
reprit-il, ne peut que vous être glorieuſe ;
& plus elle ſera cuiſante, plus vous en paroîtrez
honnête, outre qu’elle ne ſera pas longue,
& qu’elle doit être ſuivie d’un plaiſir qui
ne finit point. Savez-vous, ajouta-t-il, que vous
avez fait une grande faute, de m’avoir fait répandre
au-dehors cette divine ſemence ? il n’y
a point de plus grand crime : vous m’avez ôté
par-là l’avantage de devenir pere ; vous avez tué
mes enfants & les vôtres avant qu’ils fuſſent nés ;
vous leur avez ôté l’ame qu’ils n’avoient pas :
voyez combien votre impatience a été criminelle !
Mon cher mari, lui dis-je, je ne veux pas diſputer avec vous là-deſſus ; j’avoue que je ſuis coupable ; pardonnez-moi donc : je vous ſerai plus obéiſſante ; je ſouffrirai conſtamment toutes les douleurs que vous me ferez ; & pour augmenter votre plaiſir, je remuerai le mieux que je pourrai. O Déeſſe ! dis-je, en même temps, qui préſidez à l’Hyménée, ſoyez-moi favorable ; inſpirez-moi les ſentiments les plus amoureux, & les mouvements les plus conformes à l’inclination de mon cher Oronte, & je vous obéirai