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que loup furieux s’étoit élancé ſur Pamphile ? ou le déſeſpoir ne lui avoit-il point fait paſſer ſon épée au travers du corps ?

Octavie.

Point du tout ; Dieu l’en préſerve ! qu’il me perce moi-même de ſon membre, plutôt qu’un ſi grand malheur lui arrive jamais. Ce que je vis : écoutez, Tullie, vous allez être ſurpriſe ; ce que je vis, ce fut Pamphile, qui étoit changé en la forme d’un vilain Satyre, à peu près comme les peintres les repréſentent dans les tableaux. Il avoit tout le corps hériſſé de poil ; de ſon front ſortoient deux cornes de bouc, fort droites & fort aiguës : pour les yeux, le nez & tout le reſte du viſage, il avoit ſa premiere figure. Ce n’eſt pas tout : il me menaçoit avec un vit deux fois plus long & plus gros, que ne l’eſt ordinairement celui de l’homme le mieux membré ; ſes cuiſſes & ſes jambes reſſembloient à celles d’une chevre : il ſe jettoit ſur moi bruſquement, me baiſoit, & tout en fureur en vouloit venir à l’action. Que voulez-vous davantage ? une viſion ſi horrible m’a éveillée, & je tremble encore de la frayeur qu’elle m’a cauſée, Ma chere Tullie, vous qui avez tant d’érudition, qui n’ignorez rien de ce qui peut être ap-