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Octavie.

Je ſongeois que Pamphile & moi, nous nous promenions dans une allée d’arbres à la fraîcheur, pour nous garantir du ſoleil, & qu’il me faiſoit des plaintes amoureuſes qui m’étoient d’autant plus agréables, qu’elles procédoient d’une profonde tendreſſe qu’il a pour moi. Il me demandoit un baiſer avec des empreſſements extraordinaires ; je le refuſois : mais tous mes refus ne faiſoient que le rendre plus opiniâtre & plus hardi ; & comme il a infiniment de l’eſprit, il ſut ſi bien faire, qu’il me perſuada enfin de lui donner ce baiſer tant deſiré. Mais comme vous ſavez, Tullie, qu’en amour une faveur en attire une autre, il ne ſe contenta pas de celle que je lui avois accordée ; il m’embraſſa d’une main, pendant qu’il tâchoit de gliſſer l’autre dans mon ſein. Je lui réſiſtois tant que je pouvois ; & ce n’a été que par votre ſecours, Tullie, que je m’en ſuis débarraſſée. J’ai pris auſſi-tôt la fuite, mais il m’a pourſuivie avec bien de la vîteſſe ; & au moment qu’il a été prêt de me joindre, j’ai tourné la tête. Ah, Tullie ! ſi vous ſaviez quel monſtre j’ai vu !

Tullie.

Et quel monſtre, Couſine ? Eſt-ce que quel-