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permis, elle ne faiſoit que pleurer & ſoupirer. Elle n’oſoit pourtant s’abandonner entiérement à la douleur, de crainte d’être parjure. Quatre mois après, elle reçut la nouvelle de la mort de Victor, qui avoit été tué à la bataille de Pavie, où le Roi François I fut pris. Ce fut pour lors que ſa conſtance manqua de forces : elle tomba malade de douleur quelque temps après ; elle ne voulut prendre aucun aliment, & ſe laiſſa miſérablement mourir de faim. Rodolphe qui ne la quittoit point dans cette extrémité, & qui fondoit en larmes près de ſon lit, lui demanda un moment avant qu’elle mourut, pourquoi elle paroiſſoit ſi indifférente pour la vie, puiſqu’elle ſavoit qu’elle perdoit un mari qui l’aimoit ſi tendrement ? Ah ! lui dit-elle d’une voix mourante, vous étiez digne d’une femme plus ſage & plus honnête que moi : j’ai violé la foi que je vous avois donnée ; & pour l’expiation d’un tel crime, je me ſuis condamnée moi-même à mourir ; ayez compaſſion de moi, & me pardonnez. En achevant ces paroles, elle expira entre ſes bras. Admire, Octavie, la vertu de cette femme : in culpâ fæminam vides, in pænitentia heroinam.

Octavie.

Tu te moques de moi, Tullie, & tu ne par-

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