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j’aurois ſoufferte ? Non, non, Clémence, pourſuivit-il, vos manieres me touchent vivement ; & ſi vous ne ceſſez de vous traiter avec tant de rigueur, je vais me percer de ce poignard. Clémence qui le vit prêt à faire ce qu’il diſoit, le retint : Ah ! s’écria-t-elle, qu’allez-vous faire, mon cher Victor ? Je vous aſſure de mon amour & de ma vie, & conſervez la vôtre. Quoi ! voulez-vous me refuſer ? Non, lui dit-il, je vous l’accorde. Je vous demande encore une choſe, dit-elle ; promettez-moi de me l’accorder. Eſt-il quelque choſe, dit-il, que je puiſſe vous refuſer ? parlez. C’eſt, continua-t-elle, que nous nous aimions l’un & l’autre d’un amour fraternel & honnête : ſi vous ne le voulez pas, dit Clémence, vous me condamnez à la mort ; je croirai que ce ne ſera pas moi que vous aimerez mais votre plaiſir. Cela déplut à Victor ; il prit congé d’elle ſans lui marquer ſon déplaiſir, lui recommanda ſa ſanté, & lui dit qu’il lui obéiroit avec exactitude dans ce qu’elle lui demandoit. Elle fut ravie de ſon conſentement, & reprit en peu de temps ſon embonpoint, que le jeûne & le chagrin lui avoient ôté. Son amant fit ſon voyage, & elle ſe reſſentit bientôt de ſon abſence : car rappellant dans ſon eſprit ce qu’elle lui avoit

permis,