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qu’elle avoit fait, elle en eut horreur. Ah ! malheureuſe que je ſuis ! diſoit-elle ; ne m’étois-je conſervée chaſte, que pour m’abandonner comme j’ai fait ? Quoi ! oſerai-je ſeulement regarder le Ciel, après m’être rendue ſi criminelle ? où fuirai-je ? que deviendrai-je ? Ah ! Il n’y a que la mort qui puiſſe me laver d’une telle infamie ! Elle ſe condamna donc, elle paſſa la nuit ſans repoſer ; & ne prit aucune nourriture le lendemain : elle ne faiſoit que pleurer & ſoupirer. Victor la vint voir la veille de ſon départ pour l’Italie ; il fut bien ſurpris de la trouver dans les pleurs & les gémiſſements. Ah ! qu’eſt-ce que je vois ? miſérable que je ſuis ! s’écria-t-il ; quoi ! ne m’avez-vous donné la vie, aimable Clémence, que pour vous l’ôter ? Il voulut en même-temps la baiſer, mais elle le repouſſa rudement. Retirez-vous lui dit-elle ; vous êtes un enchanteur qui m’avez ſéduite : il n’y a point de punition qui puiſſe effacer mon crime, ſi ce n’eſt la mort. Je m’y prépare, oui, il faut mourir. Si vous êtes ſérieuſement dans cette réſolution, dit Victor, vous aurez un compagnon. Eh quoi ! continua-t-il, eſt-ce ainſi que vous abuſiez de ma crédulité, & que vous me tiriez de tombeau pour me faire mourir d’une mort plus cruelle que celle que