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crut qu’ils étoient en mauvaiſe intelligence. Il l’alla donc trouver une après-dînée qu’elle étoit ſeule dans ſa chambre. Lucie pleura d’abord qu’elle le vit entrer, parce que c’étoit la premiere ſois depuis leur déſaſtre. Eh bien, mon enfant, lui dit-elle, nous avons paſſé un mauvais pas. Oui, reprit-il en ſoupirant, & je n’en ai appréhendé les dangers que pour vous ; mais à préſent j’ai détruit leur artifice par un ſtratagême. Je le ſais, dit Lucie, & tu as agi ſpirituellement. Judith eſt contente, & m’aime paſſionnément, quoique je l’aye en averſion : c’eſt pourquoi il n’y a plus rien à appréhender de ſon côté. Cependant Florent étoit tout en feu, Lucie s’en apperçut ; & le regardant avec des yeux languiſſants, elle lui donna un baiſer : Ah ! mon cœur, lui dit-elle, je me meurs, je t’aime trop, & c’eſt toi qui es la cauſe de toutes mes foibleſſes ! Ah ! ma chere maîtreſſe, repondit-il, ne croyez pas que je ſois inſenſible ; je reſſens les mêmes mouvements que vous, & je connois qu’il n’y a que vous qui puiſſiez les appaiſer : nous ſommes ſeuls ; ceux qui pourroient nous ſurprendre ſont hors de la maiſon ; en un mot, nous n’avons rien à craindre. Elle rougit à ces paroles ; il la baiſe, il l’embraſſe, & enfin, après un peu de réſiſtance, il en reçoit la derniere fa-

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