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déſeſpoir ; elle conçut mille deſſeins de malice pour troubler cette intelligence : mais voyant que toutes ſes ruſes avoient été de nul effet, elle ne penſa plus qu’aux moyens de les perdre entiérement. Pour en venir plus facilement à bout, elle perça deux ou trois planches, dont les ouvertures donnoient lieu de voir tout ce qui ſe pouvoit paſſer entr’eux. Un jour donc de grand matin qu’Ulric étoit allé à la chaſſe, Lucie fit appeller Florent : il entra auſſi-tôt dans la chambre, où il la trouva ſur ſon lit, couchée d’une maniere à donner de l’amour au plus froid de tous les hommes. Elle avoit tout le ſein & les cuiſſes découvertes, le viſage riant, & tout le reſte du corps ſi négligemment caché, qu’elle n’étoit pas fâchée d’être vue dans cette poſture. Pélagie, que la jalouſie animoit ; alla avertir Judith, ſœur d’Ulric, du commerce de nos deux amants, & de l’occaſion qui ſe préſentoit de le découvrir : celle-ci ne vouloit point de bien à Lucie depuis long-temps ; elle vint donc, & regarda attentivement tout ce qui ſe paſſoit dans la chambre. Florent prioit Lucie d’avoir compaſſion de lui, d’avoir égard à l’excès de ſon amour, & de lui accorder la faveur pour laquelle il ſoupiroit jour & nuit. Il la preſſoit, mais elle le repouſſoit toujours.