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Toutes les Religieuſes en prirent l’épouvante, & ſortirent toutes, excepté l’Abbeſſe & trois autres plus courageuſes, à ſavoir Agnès, Gertrude, & Brigitte. Agnès étoit la plus jeune, & celle qui étoit cauſe que Marcel (c’étoit le nom de ce jardinier traveſti) faiſoit un tel perſonnage. Elle ne l’avoit vu qu’une fois ſans lui pouvoir parler ; c’eſt pourquoi elle ne le reconnut point : elle en devint néanmoins amoureuſe. Marcel s’en apperçut, & en fut ravi, tellement qu’il ne manquoit plus que l’heure du Berger, pour tirer cet amour caché de l’obſcurité d’où il n’oſoit ſortir. Cette occaſion ſi néceſſaire à nos deux amants vint fort à propos. L’Abbeſſe deſcendant le ſoir d’un eſcalier fort obſcur, fit un faux pas ; & tombant du haut en-bas, elle tira après ſoi Brigitte qui la ſuivoit. Les bleſſures que ſe firent ces bonnes Meres, les obligerent de garder le lit pendant pluſieurs jours. Sœur Agnès profita de cet accident ; car le gouvernement du Monaſtere fut remis entre ſes mains, & elle reſta de la ſorte maîtreſſe d’elle-même. Un jour donc que toutes les Religieuſes prenoient un peu de repos après-midi, & que tout-étoit dans un profond ſilence, Agnès ſe promenoit ſeule dans le cloître, en s’entretenant de ſon amour, & des moyens néceſſaires à ſa réuſſite. Pendant