Page:Chorier - L’Académie des dames, 1770.djvu/402

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
( 390 )

Octavie.

Ce que j’ai oui dire de Livie, a beaucoup de rapport avec ce que tu me viens de raconter. Livie paſſoit pour une des plus ſages filles de la ville, lorſqu’elle fut mariée à Alexandre Borgia ; elle ſe comporta ſi honnêtement avec lui qu’elle fut regardé de tout le ſexe comme un modele de perfection ; & comme elle n’avoit point eu d’yeux que pour ſon mari, elle ne voulut plus paroître ſitôt qu’il fut mort. Elle crut qu’elle ne pouvoit conſerver la réputation qu’elle s’étoit acquiſe, qu’en ſe renfermant dans un Couvent ; elle ſuivit ces premiers mouvements ; & laiſſant aux mondains (c’eſt ainſi qu’elle parloit) les bagatelles qui faiſoient leur amuſement, elle prit en partage des biens & des richeſſes qui ne devoient jamais périr. Elle fut donc enſevelie toute vive dans les ténebres d’un cloître ; le révérend Pere Chriſogon conduiſois le Couvent : mais hélas ! elle n’y fut pas trois mois, ſans s’appercevoir qu’elle n’étoit pas encore morte au monde, qu’elle avoit tant mépriſé. Le Pere Chriſogon le reconnut, & la retira de ce tombeau. Il corrompit cette vertu qui avoit été juſques-là inviolable : Oppreſſit tantus vir, tantam virtutem.