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Tullie, tu ignores peut-être quel a été le commerce d’Alphonſe avec Léonor depuis qu’elle eſt veuve, & que ſon mari fut tué dans une bataille par les François. Il l’aime éperduement, & elle m’a avoué qu’elle ne lui avoit rien refuſé pour le rendre heureux, & qu’il avoit eu d’elle tout ce qu’il pouvoit deſirer. Eh bien, eſt-ce que tu me louerois, ſi je me déclarois la rivale d’une perſonne qui ne craint rien de moi ? non certes ; tu m’en blâmerois avec raiſon.

Tullie.

Je t’aime, ma chere Octavie, & j’admire ta généroſité. Continue de vivre avec le même courage.

Octavie.

Je crois, Tullie, que tu ne ſeras pas fâchée que je te faſſe part de ce qui fut dit dans la converſation. Tu ſauras donc qu’après que nous eûmes toutes pris place, Léonor s’adreſſant à Aloyſia : Eh bien, lui dit-elle, avec un air libre & enjoué, comment ſe ſont paſſées les nouvelles nuits ? a-t-on bien combattu ? s’eſt-on bien défendu ? La pauvre enfant fut toute honteuſe à ces paroles ; elle ſourit néanmoins. Eh quoi, vous rougiſſez ? lui dis-je ; ah, cette pudeur