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prendre le plaiſir, excepté de ſe faire ſucer ; ils vouloient avec raiſon que la bouche fut un lieu ſacré pour le Vit, où il ne pût jamais entrer. Cette diſſolution néanmoins eſt encore aujourd’hui en uſage en beaucoup d’endroit d’Italie.

J’agirai donc de bonne foi, non pas de cette foi de Socrate, & je te dirai que ce vice devroit être ſévérement puni ; car les penſées que les hommes ont de s’unir à nous, leur ſont naturelles, que c’eſt un larcin manifeſte qu’ils nous font, quand ils s’abandonnent à leurs ſemblables. Sitôt que le ſang commence à s’échauffer dans les veines d’un jeune homme, ſans conſulter d’autres que ſoi, il connoît naturellement qu’il ne peut éteindre ſon feu que dans les embraſſements d’une femme. Cette même nature fait la même impreſſion dans le cœur d’une fille ; & quelque groſſiere qu’elle ſoit, elle ſera agitée d’un deſir auſſi violent pour le membre de l’homme, quoiqu’elle ne l’ait jamais vu, que celui-ci le ſera pour la partie de la femme, quoiqu’elle lui ſoit inconnue. Comme ils ſont faits l’un pour l’autre, toutes leurs penſées ne tendent qu’à s’unir. Voilà les progrès de l’amour honnête. Il n’en eſt pas de même dans la conjonction de l’autre ; ce n’eſt pas la nature qui

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