je partis en toute diligence pour l’aller trouver.
Mon voyage fut heureux pour lui : car je
le tirai du péril où il étoit, & il doit à mes
ſoins le recouvrement de ſa ſanté ; auſſi ne le
nie-t-il pas. Sitôt donc qu’il fut hors de danger,
je penſai à me divertir l’eſprit, afin de le tirer,
par les plaiſirs, de la mélancolie où il avoit
été plongé pendant trois mois. Il venoit ordinairement
dans la maiſon où j’étois, une vénérable
Matronne, qui s’appelloit Urſine ; elle étoit
entre deux âges, & d’une fort noble famille.
Comme j’étois étrangére, & que je n’avois aucune
habitude dans la ville, la néceſſité m’obligea
de faire connoiſſance avec elle : je la trouvai
fort ſpirituelle, & ſon entretien me plaiſoit
tant, que ſouvent je la priois de coucher avec
moi, afin d’en jouir à mon gré. Une nuit entre
les autres, que nous cauſions en attendant le
ſommeil, l’amour me mit dans un tel état, que,
tout d’un coup je devins toute en feu. Ma compagne,
à qui l’âge avoit donné de l’expérience,
s’apperçut de ce changement, & vit bien par
mes mouvements continuels, que ma penſée
étoit du côté de la chair. Elle m’interrogea
& je ne lui cachai rien de ce que je reſſentois :
Ah ! ma chere lui dis-je, d’un ton languiſſant,
je n’en puis plus : je ſens revivre dans mes vei-
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