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bre. Pendant que j’avois cette converſation avec Cléante, ſon ami ſe promenoit doucement derriere nous, & me jettoit de temps en temps des œillades ſi pleines de feu, que je remarquai bien l’ardeur de ſa paſſion. Cléante ſe tournant de ſon côté : Rendez, lui dit-il, des graces immortelles à Madame, pour le préſent qu’elle vous fait, & qui eſt digne des Dieux ; approchez, & venez jouir du ſouverain bien. A ces mots je demeurai interdite ; & comme je ne ſuis pas trop hardie de mon naturel, je rougis auſſi-tôt que je vis approcher Medor : il me donna d’abord un baiſer en me ſaluant, & me fit une déclaration d’amour fort ſpirituelle. Avant qu’il eût fini ſon diſcours, nous étions entrés dans un cabinet propre pour prendre la fraîcheur, & qui étoit dans un coin du jardin. J’ai une choſe à vous dire, Tullie, dit Cléante, & à vous auſſi, Medor. Quoi ! répondit ſon ami ? Tullie, dit-il, vous parlera bientôt avec des ſoupirs & des remuements de feſſes, qui vaudront bien mieux que tous vos compliments. Que Vénus vous puiſſe punir, lui dis-je, folâtre que vous êtes. Madame, reprit-il, un mot à l’oreille : vous ne ſavez pas à quel Cavalier vous aurez à faire ; toutes les filles de Rome & de Veniſe, qui ſont entrées en lice avec lui, avouent que

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