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Il recommença donc tout de nouveau, en murmurant entre ſes dents je ne ſais pas quelle priere ; je pleurois, je ſoupirois ; à chaque coup qu’il donnoit, je remuois les feſſes d’une étrange maniere. Enfin il me laſſa, je n’y pus plus réſiſter, & je courus d’un bout à l’autre de la chambre, pour éviter les coups. Je n’en puis plus, diſois-je, ce travail eſt au-deſſus de mes forces. Dites plutôt, reprit-il, que vous êtes une lâche & ſans cœur ; n’avez-vous point de honte, d’être fille d’une mere ſi courageuſe, & d’agir avec tant de foibleſſe ? Obéiſſez, me dit ma mere : j’y conſens, lui dis-je, faites de moi ce que vous voudrez. Elle me lia auſſi-tôt les deux mains avec un cordon de ſoie, parce qu’elles paroient mes feſſes de bien des coups ; elle me coucha enſuite ſur le lit : je ne pouvois plus me défendre, c’eſt pourquoi je fus fouettée de la bonne maniere. Pendant que le Pere Théodore me frappoit de la ſorte, elle me baiſoit : courage, ma fille, me diſoit-elle, ce ſaint œuvre ſera bientôt achevé ; & plus vous recevrez de coups, plus aurez-vous de mérite. Enfin, ce grand Prêtre finit la cérémonie. Voilà qui eſt bien, dit-il ; la victime a aſſez répandu de ſang, pour que le ſacrifice ſoit agréable.