Page:Chorier - L’Académie des dames, 1770.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 181 )


droite. Eh bien, Octavie, voulez-vous être bienheureuſe, me dit le pere, & vous mettre dans le véritable chemin du Ciel ? Je le ſouhaite, dis-je. Il me donna après cela quelques coups, mais ſi doucement qu’ils me chatouillerent plus qu’ils ne me bleſſèrent : pourrez-vous, ma chere enfant, pourſuivit-il, en endurer de plus rudes ? Ma mere répondit pour moi, & dit que je ne manquerois pas de courage. Auſſi-tôt, depuis le haut juſques en-bas, je m’en ſentis chargée, mais avec tant de violence, que je ne pus m’empêcher de crier : Ah ! c’eſt aſſez, c’eſt aſſez, ayez pitié de moi, ma mere. Prenez courage, me dit-elle, voulez-vous achever vous-même ce qui reſte ? fort bien, dit le Pere Théodore, voyons comme elle s’épargnera. Prenez, pourſuivit-il, ce ſaint inſtrument de pénitence ; châtiez, comme il faut, cette partie, qui eſt le ſiege du plaiſir infame. Ma mere me montra avec la main comme je devois faire ; je me donnai donc deux ou trois coups aſſez rudement ; mais je ne pus continuer : Je ne ſaurois, lui dis-je, me faire de mal moi-même ; ſi vous voulez, je ſuis prête de ſouffrir tout de vous : en diſant cela, je lui remis le fouet entre les mains. Elle le donna au Pere Théodore, parce que, diſoit-elle, j’aurois plus de mérite d’endurer de lui, que d’un autre.

M iij