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ble ; elle lâcha ſeulement une fois un ſoupir, en diſant : ah, mon pere ! mais cet exécuteur de la juſtice divine s’en fâcha. Où eſt donc votre courage ? reprit-il ; vous donnez-là un bel exemple de foibleſſe à votre fille ! Il lui commanda enſuite de s’incliner la tête & le corps juſques en terre : elle le fit ; jamais elle ne l’a préſenté plus beau. Ses feſſes étoient tellement expoſées aux coups, qu’elles n’en échapperent pas un. Cela dura un quart d’heure entier, après quoi le pere lui dit : C’eſt aſſez, levez-vous, votre eſprit, doit être content. Elle ſe leva, & s’en vint à moi. Eh bien, ma fille, me dit-elle en m’embraſſant, c’eſt à préſent à votre tour, qu’il faut faire paroître que vous avez du courage. J’eſpere, lui dis-je, qu’il ne me manquera pas ; que faut-il donc que je faſſe ? Préparez votre fille à cet acte de piété, dit le pere ; j’eſpere qu’elle ſera encore plus forte que vous. Cependant, J’avois les yeux baiſſés, ſans rien dire. Ne répondrez-vous pas à mon attente ? me dit-il ; j’y tâcherai, repris-je. Ma mere pendant ce diſcours me déshabilloit ; il ne me reſtoit déja plus que ma chemiſe, qu’elle me releva ſur les épaules. Auſſi-tôt que je me ſentis nue, par pudeur je me couvris le viſage, je voulus me mettre à genoux. Il n’eſt pas néceſſaire, me dit ma mere, tenez-vous