je fus levée, & revêtue de mes plus riches
habits qu’elle m’avoit préparés, elle me mena
au Pere Théodore. Tu le connoîtras facilement,
quand tu ſauras qu’il eſt de ceux qui
affectent une auſtérité de vie apparente, &
une ſévérité de mœurs toute particuliere : tout
prêche ſur eux la mortification & la pénitence ;
& leur barbe, qu’ils laiſſent croître,
leur rendant le viſage ſec & atténué, les fait
paſſer dans l’eſprit du peuple pour de vrais
miroirs de ſainteté. Après que nous eûmes
fait nos prieres, il s’en vint à moi dans une
chapelle où je m’étois retirée avec ma mere :
Eh bien, ma chere fille, me dit-il en m’abordant,
vous avez là une mere qui ne veut rien
épargner pour vous rendre auſſi parfaite que
vous devez l’être. Vous devez, à ce qu’elle
m’a appris, être mariée dans trois jours : il
faut donc nettoyer votre ame de toute tache,
pour vous rendre digne de la grace céleſte,
qui ne peut entrer dans un cœur ſouillé de la
moindre ordure. Vous devez ſavoir, continua-t-il,
que ſi vous êtes bonne, les enfants que
vous mettrez au monde, rempliront un jour
dans le Ciel les places des Anges rebelles ;
mais ſi au contraire vous avez quelque mauvaiſe
qualité, ils en ſeront infectés, & iront
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