Page:Chorier - L’Académie des dames, 1770.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 168 )

Octavie.

Ah, Dieux ! que ma mere répondoit mal au ſentiment d’honneur qu’on avoit de ſa perſonne ! qu’elle ſavoit bien cacher ſes défauts ſous les fauſſes apparences de la vertu ! Je les ai ſouvent vus rire & diſcourir enſemble, lorſque mon pere étoit abſent ; Joconde étoit pour lors Intendant de la maiſon. Je me ſouviens qu’une fois entr’autres, ma mere & moi nous étions ſeules dans une chambre : elle travailloit à un ouvrage en broderie ; pour moi je badinois à la maniere des enfants de mon âge, avec une chatte que je tirois par l’oreille, & enlevois en l’air. Je me ſouviens donc que Joconde entra ; & après avoir ſalué ma mere, & s’être dit tout bas quelques paroles, il la prit par la main ; & malgré quelques réſiſtances qu’elle apportoit, il ſe retira avec elle de ma préſence. Je crus qu’ils étoient ſortis de la chambre, & je me réjouiſſois déja de ce qu’ils m’avoient laiſſée ſeule en liberté ; lorſque tout d’un coup j’entendis trembler le lit, & quelques accents mal articulés de la voix de ma mere, comme ſi elle ſe fût plainte. Je demeurai quelque temps attentive ; mais la peur me ſaiſiſſant, je courus vîte vers l’endroit où j’entendois le bruit : ma