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douze ; elle aimoit beaucoup Victorie, & avoit auſſi pour Lucretie & pour moi une affection bien tendre. Elle étoit de tous nos divertiſſements puérils, & agiſſoit pour lors avec nous comme ſi nous euſſions été d’un ſexe différent du ſien : elle nous appelloit ſes Amants ; elle diſoit qu’elle vouloit nous apprendre comme l’on faiſoit l’amour ; elle nous regardoit avec des yeux languiſſants ; elle nous proteſtoit qu’elle n’avoit rien de plus cher au monde que nous ; qu’elle nous aimoit éperdument, & qu’elle brûloit d’un feu, qu’il n’y avoit que nous ſeules qui puiſſions l’éteindre. Toutes ces déclarations amoureuſes étoient ſuivies de mille baiſers & de mille careſſes. Nous autres, qui étions trop jeunes pour être ſenſibles à tout ce badinage, ne faiſions que rire de toutes ſes manieres, & accordions innocemment à Sempronie tout ce qu’elle ſouhaitoit de nous. Nous paſſions preſque toutes les après-dînées enſemble, à nous exercer dans ces ſortes de jeux, & quelquefois elle paſſoit ſubtilement ſa main ſous nos jupes, & nous manioit avec une ardeur incroyable cette partie qui nous diſtingue des hommes. Elle y mettoit les doigts l’un après l’autre, & nous baiſoit cependant, en gliſſant ſa langue entre nos levres avec une chaleur extrême : quelque-