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au secours des souffrants. À travers les assistants, qui récitaient à genoux les prières des agonisants, elle se glissa jusqu’au lit où la mère de Beaumont semblait maintenant doucement reposer, mais elle demeura atterrée en constatant, hélas ! la complète inutilité de toute intervention. Et alors une autre émotion qu’elle avait mal calculée, qu’elle avait cru pouvoir dominer au moins, se fit subitement jour dans son cœur avec une acuité de plus en plus cuisante.

Contre le mal et les tortures de la mère agonisante, elle eut été prête à lutter avec sang-froid, mais devant le désespoir et les larmes du fils, de ce Yves qu’elle frôlait et soutenait presque, écrasé qu’il était sur le rebord de l’oreiller, elle sentit s’opérer je ne sais quelle fissure dans son âme par laquelle jaillissait un flot de pensées lointaines, entassées depuis longtemps et silencieusement caressées. Elle éprouva un véritable vertige. Les lèvres contracturées, elle se pencha sur lui et familièrement, ainsi qu’à un frère :

— « Yves, » lui chuchota-t-elle tout bas, « Yves. » Et dans sa voix frémissait la douloureuse sincérité de sa sympathie.

Dans un mouvement très doux de caresse, elle lui prit la main dans les siennes et répéta :

— « Yves… Yves… » et elle s’abattit en suffoquant.

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Dans un autre coin de la pièce, le docteur Verneuil, consterné lui-même, cherchait à se dérober