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terre. Dans toute son humble vie de travail et de dévouement, son ambition n’avait jamais tendu plus loin, qu’à remplir son rôle de mère et de femme : faire briller son foyer, laisser sans relâche ruisseler sur ses enfants l’intarissable tendresse dont son cœur débordait, créer partout du bien-être et du bonheur, sans même se rendre compte de quels sacrifices et de quels efforts elles les créait.

Après avoir résolu d’abandonner la culture de la terre et de quitter leur ferme, au pied de la montagne, pour se livrer à l’existence inerte de rentiers de village, les deux vieux de Beaumont avaient éprouvé tout d’abord dans leurs êtres l’effet d’une sorte de cassure inattendue. Mais dans ces désarrois fréquents de la vie, où l’âme seule est atteinte, c’est le plus souvent la femme qui a la force, qui tend alors son bras à l’homme et le relève. La mère de Beaumont avait relevé son vieux ; elle l’avait apprivoisé à la longue à sa nouvelle existence en y faisant reluire tout ce qu’elle pouvait concevoir de soleil.

Et puis, ne leur restait-il pas Yves ? ce Yves qui les captivait et les amusait par le seul énoncé de ses projets et de ses rêves ambitieux.

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Ils faisaient ensemble leurs prières, ce soir-là. La mère de Beaumont, avec une onction douce comme toujours, récitait la touchante invocation à Dieu : « Conduisez les voyageurs, convertissez les pécheurs », mais quand il lui fallut continuer : « guérissez les malades, » les mots avaient commencé d’hésiter sur