Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 81 —

leurs, se laissait l’aire sans trop de résistance, tout en continuant de chercher son chapeau. Au fond, il ne voulait pas partir sans trouver l’occasion de piquer quelqu’un jusqu’au sang.

— « Oui, c’est inutile, je m’en retourne au village ; j’y vais. » Et comme aucune réplique ne venait : « Je vous enverrai le docteur Verneuil à ma place ; cela arrangera encore mieux les choses, » ajouta-t-il, sans regarder et sans plus tenir compte des supplications de sa femme que de ses mains, qu’elle lui tenait plaquées sur les lèvres afin de l’empêcher de parler.

Cette fois, Jacqueline s’était sentie nettement atteinte. Elle avait brusquement baissé son regard, puis doucement l’avait relevé sur Yves comme pour lui demander si c’était son sentiment à lui aussi. Comment cela était-il venu à l’esprit de Lucas de se servir méchamment de ce nom comme d’un trait, presque comme d’une injure ? Par pur instinct, bien humain, il est vrai, de se venger de sa propre humiliation en humiliant en retour la fierté de jeune fille de Jacqueline, en insinuant qu’elle ne visait qu’à se jeter à la tête de Verneuil. Mais il avait encore obéi à un autre sentiment : ce même trait n’atteindrait-il pas un peu Yves ? avait-il pensé. Jacqueline était si séduisante qu’il voyait Yves lui-même déjà pris aux charmes qui émanaient de toute sa personne.

Comme il ne retrouvait pas son chapeau, il s’était emparé d’une vieille casquette de travail suspendue à un clou de l’escalier. Et maintenant il se dirigeait