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Tout de suite de retour, elle reprit dans un prolongement d’idées : — « Le mieux est encore de laisser la destinée démêler elle-même les évènements, et de ne pas lui barrer la route sous le prétexte de la guider. » Puis cédant tout à coup à une pensée inattendue : — « Sais-tu que c’est aujourd’hui la Ste-Catherine et que ces propos d’amour et de mariage ressemblent presque à une moquerie à l’égard de la pauvre vieille ? » conclua-t-elle avec un rire amusé. — « Si nous faisions de la tire, plutôt ? »

De fait, cela tombait justement le 25 novembre, un soir de Ste-Catherine. Et alors, pour ne point laisser éteindre les anciennes traditions du pays, elles s’étaient tout de suite accordées à ce sujet.

Bien qu’elles deux… certes, la fête, comme la compagnie, sera maigre ; qu’importe, en vraies Collettes Baudoche, nos deux petites campagnardes de Saint-Hilaire n’en rappelleront pas moins à leur race le maintien des vieux usages canadiens… Du fond d’une armoire vieux style, longue d’un plancher à l’autre et profondément encastrée dans le mortier des murs, Marcelle avait aussitôt extrait les objets essentiels : un cruchon de sirop d’érable, des plats de faïence, un poëlon, des serviettes de grosse toile, des cuillers. Et tout de suite sous la flambée d’une bûche nouvelle au fond du foyer, l’arôme exquis et incomparable, — que par une gâterie de la Providence, notre peuple canadien est le seul à connaître et à savourer, — n’avait pas tardé à se dégager comme une haleine de la bouche béante du poëlon.