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d’une formule de fulminate de mon invention qui l’emportera en puissance sur tous les explosifs connus sans que le coût de fabrication n’en soit en retour plus élevé. Hein ! cela vous embrouille plus que la composition d’un minot de « gabourage » ? acheva-t-il, en un moment de taquinerie folâtre et enfantine.

Le père de Beaumont avait eu en réponse un bon sourire d’orgueil paternel, mais empreint toutefois de cette réserve défiante envers les hommes, envers le sort, envers tout, que l’expérience de la vie avait de plus en plus profondément infiltrée dans son âme, à mesure que les années s’étaient écoulées. Certes, il n’aurait point voulu désabuser son fils, lui gâter sa joie naïve de croire tout vrai, et pourtant comment ne point mettre en lui-même une sourdine aux rêves de succès qu’il lui entendait exposer si ingénument. Il avait lui aussi, à son âge de jeunesse, compté sur tant de choses qui tout à coup lui avaient menti, tant de projets qui l’avaient brutalement déçu, en dépit de la fidèle et franche nature au sein de laquelle s’était écoulée sa calme et uniforme carrière d’agriculteur.

— « Tant mieux, si tes ambitions peuvent se réaliser… Cela nous consolera, vois-tu, des soucis que la conduite de Lucas nous cause, à ta mère et à moi. » Comme Yves n’ajoutait rien, il reprit, au bout de quelques instants, dans un prolongement d’idées : « Cela ne te causerait-il pas de chagrin de voir notre vieille « terre » passer à des mains étrangères ? »

— « Oh ! certes, oui, » répliqua tout de suite Yves avec émotion.