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— « De machines ?… Et cet autre, là-bas, en yacht, que tu as salué ? »

— « C’est un monsieur Robertson. »

— « Encore un Anglais, hein ?… Qu’est-ce qu’il fait ? »

— « Il est marchand ou gérant de banque, je ne sais trop… »

— « Il n’y en a donc pas, parmi eux, qui cultivent la terre comme toi ?… Ceux que nous avons rencontrés hier à cheval, dans la « montée » non plus ?… Pourquoi ne fais-tu pas comme eux ? »

Le père de Beaumont restait alors muet et décontenancé, quoique devinant que son silence seul était plutôt propre à raffermir Yves dans ses étranges impressions. Il aurait tant aimé en effet chasser de son esprit le mouvement d’idées dont il percevait la graduelle élaboration, mais les mots lui manquaient pour peindre, tel qu’il l’eût désiré, l’abîme qui existait dans son esprit, entre leur vulgaire métier de commerçants, à eux, et sa libre et noble fonction d’agriculteur à lui. Il se contentait de mettre sa pensée dans un geste de dédain.

— « Et d’ailleurs, comme tu l’as déjà observé toi-même, » ajoutait-il parfois, avec un peu d’humeur, « on dirait que les Anglais seuls sont appelés à réussir et à dominer sur le terrain des affaires. Ils tiennent ça d’instinct, vois-tu ?… Tandis que nous… »

De tout ça, il était probablement resté une impression particulière dans la tête de Yves.

« Réussir, dominer sur un terrain quelconque »,