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Le vieux de Beaumont était allé s’asseoir plus loin, songeur.

Comme après une longue consultation intime, il ajouta :

— « Enfin, tu l’as vu repartir pour chez lui ? »

— « Oui, père. Je suis demeuré tout le temps en embuscade chez le marchand d’en face d’où je l’ai surveillé jusqu’à ce qu’il fût hors du village. Il était alors passablement remis et en état de guider son attelage. »

Une serviette à la main, en train déjà de terminer sa toilette du soir, Yves avait répondu à son père du fond d’une petite chambre voisine. Comme il le faisait chaque jour, à peine arrivé du travail, il s’y était introduit pour changer de vêtements, peigner ses cheveux, effacer autant que possible de ses mains les taches de nitre, d’acide ou autres corrosifs qu’il était tenu quotidiennement de manipuler en sa qualité de chimiste à la grande poudrerie de Beloeil.

Si, une fois dépouillé de son costume de laboratoire, et sa toilette terminée, Yves gagnait quelque peu en son aspect physique sous le rapport de la propreté, il n’y gagnait toutefois aucunement du côté du charme et de la distinction de sa personne. Car son regard engageant, sa mince figure pâle, ses fines mains à longs doigts aristocratiques, sa frêle et élégante stature, tous ses vingt ans en somme ne présentaient jamais plus d’attrait que sous les salopettes à rayures claires qu’il avait adoptées, comme plus commode que le tablier classique, pour sa tenue de laboratoire.