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Marcelle, les cheveux à la brise, offrait tantôt le tableau réjouissant d’une alerte fermière en train de distribuer de ses mains l’eau et le fourrage aux bestiaux, Lucas, le chapeau de travers, son faux-col arraché, donnait le spectacle de grands coups de poing sauvages sur le comptoir de l’auberge du village.

Il avait, pourtant bien résolu, une fois sa charge d’avoine livrée et payée, d’en employer le produit à acquitter certaines dettes et à remplir les commissions dont Marcelle l’avait chargé, mais il n’avait pas prévu que le démon de l’alcool se réveillerait avec une si subite violence au tintement des pièces d’argent qui flottaient maintenant dans ses poches.

— « Quel prix l’as-tu vendue, ton avoine, Lucas ? »

C’était un ami qui de la rue l’avait interpellé en reconnaissant son attelage attaché à l’un des poteaux de la barrière. Dès avant de répondre, rien qu’à la vue de cet homme que le hasard mettait sur son chemin, et dont la présence lui rappelait de nombreux souvenirs de buverie, Lucas fut pris d’une irrésistible tentation d’alcool.

— « Cinquante sous le minot, » répondit-il, en faisant danser les pièces d’argent. Tiens, j’en ai suffisamment pour te payer un verre.

L’autre refusait, était pressé, disait-il, mais Lucas, qui désirait maintenant se trouver un compagnon de roulade, se cramponna à lui et l’entraîna.

Deux heures après, le duo s’étant adjoint d’autres compagnons, l’on pouvait entendre par les fenêtres