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avec soin les pieds l’un après l’autre sur les raies des roues, comme sur des échelons, elle accourut à lui.

Il n’était pas tout à fait ivre cependant, se trouvant juste à ce degré d’ivresse qui laisse croire à celui qui en est atteint qu’il n’en paraît rien à l’esprit de l’observateur. Sans rien dire, il se mit en tâtonnant à faire jouer les ardillons des boucles, enleva le harnais, refusant l’aide que Marcelle lui offrait, un peu dépité même des prévenances dont elle s’entêtait à l’entourer.

— « Comme tu es en retard ?… Et les commissions dont tu t’étais charge ? » lui demanda-t-elle tout à coup tristement, en découvrant que sa voiture était vide… Tu n’as rien apporté non plus à Chaton… rien apporté… ni bas, ni jouet ?…

Et vu qu’il ne répondait rien, elle reprit, s’apercevant bien qu’il avait bu et peut-être dépensé l’argent de son avoine :

— « As-tu payé au moins les comptes du boulanger et du marchand, selon que tu devais le faire ? »

— « J’ai tout payé, oui, » répliqua-t-il, cherchant à la fois à se dérober aux questions et à donner à sa voix son timbre habituel. Il tenta ensuite de remiser sa lourde voiture, mais sentant que son pied mal assuré ne lui permettrait pas cet effort, il s’empara au hasard d’une chaudière sous le prétexte qu’il lui fallait aller traire ses vaches.

Il n’avait rien apporté à Chaton… rien payé non plus chez le marchand et ailleurs. Et pendant que