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Les bestiaux, noirs, roux, cailles, continuaient toujours de gémir autour des auges vides.

D’ordinaire, en de telles occasions, Marcelle s’adressait à ses voisins, de bonnes gens qui la plaignaient et qui le plaignaient aussi un peu, lui, en somme si aimable et si gentil quand il le voulait. Mais, cette fois, elle ne pouvait se résoudre, elle n’osait pas ; elle avait honte à la fin de les détourner encore dans leurs travaux. Elle rangea alors les chaises du logis, mit tout bien en place, jeta un regard minutieux autour de son jeune enfant… non, rien de dangereux à sa portée — puis elle ferma sur lui la porte avec précaution.

… Oh ! cela pesait beaucoup à ses frêles mains inhabiles ces nombreux seaux d’eau, quoique à moitié remplis et équilibrés par la lourde brimbale, qu’elle extrayait péniblement du puits et qu’elle versait gauchement dans l’auge. Mais ce n’était pas si dur après tout et cela l’amusait presque de voir ses bonnes vaches se bousculer pour y plonger goulûment leurs naseaux. Elle les caressait même de la main, leur parlait d’un accent sympathique comme à de vieilles connaissances : Attends ton tour, Caillette… Voyons, la Rouge, ma méchante… Et elle recommençait, avec plus d’adresse toutefois, à tirer les seaux d’eau.

Mais de la paille, du foin, il leur en faudrait aussi pourtant ; Marcelle pénètre dans l’étable. Elle sait où se trouvent disposées les pelles, les fourches, toutes rangées à côté des harnais que Lucas tient eux-mêmes suspendus à de longues chevilles de bois fi-