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de mieux à faire, ce soir, n’est-ce pas ? — que l’écrivain canadien doit commencer par écarter de son esprit toutes les thèses fécondes et fines susceptibles de reposer sur le divorce, l’adultère, les liaisons libres, vu que rien n’existe suffisamment de cela dans nos mœurs pour en tirer parti avec vérité dans un livre. Il est pareillement tenu de se priver des situations intéressantes qu’il pourrait songer à faire naître des crises religieuses et sociales, des conflits entre l’élément laïque et clérical, entre la libre-pensée et l’orthodoxie, car cela aussi manquerait d’à-propos… N’as-tu jamais réfléchi là-dessus ? » Et le docteur Duvert souriait narquoisement en arpentant la pièce. …Il reprit : « Mais en face de quelles maigres données se trouverait-il de plus s’il désirait : sonder notre âme militaire, analyser nos guerres et nos révolutions dans le dessein d’en faire surgir quelque émotion puissante… Nous n’avons pas d’histoire depuis un siècle… Rien non plus à extraire d’original et de fort des mœurs ou opinions publiques de ce pays, où les débats se livrent sur les chiffres, rarement sur les idées ; où nul sentiment, nulle passion ne dérive, comme en France et ailleurs, (des conflits constants — et datant de siècles lointains — qui existent entre les diverses classes sociales et qui ont fini par morceler les populations en une infinité de groupements politiques ennemis… » Il alla empoigner le volume que Jacqueline tenait encore entre ses mains, et le brandissant : « Toute l’inspiration de la thèse puissante qui est ici exposée ne découle-t-elle pas, voyons, de ces seuls mots : des groupements politiques enne-