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tout de suite, il était allé, sans rien dire, s’asseoir auprès du feu. Il demeura un instant songeur, les yeux attachés sur sa fille :

— « Tu ne me parles pas un peu, Jacqueline ?… Que lis-tu donc de si absorbant ? »

— « Le volume, que tu m’as passé hier, l’Émigré de Bourget, » répondit-elle doucement.

— « C’est admirable et charmant, n’est-ce pas ?… Qu’en dis-tu ?… »

— « Oui, admirable. »

— « Ah ! ces romanciers français, quel talent ils ont ! » Tout en parlant, il était allé prendre un siège auprès de sa fille. « Saisis-tu bien la thèse qui se dégage de l’œuvre de Bourget ?… C’est quand on compare la puissance de tels écrits à celle des productions intellectuelles qui éclosent ici de temps à autre qu’on en constate davantage l’étonnante supériorité. Est-ce que cela ne t’a point déjà frappée ?… »

Sans s’être jamais sérieusement mêlé au mouvement intellectuel de son pays, le docteur Duvert n’en avait pas moins toujours suivi la marche avec intérêt.

Sa femme morte, la tenue réservée et un peu sauvage qu’il avait depuis adoptée, son isolement à la campagne, tout l’avait naturellement amené à rechercher dans les livres, dans les revues scientifiques, dans la lecture et l’étude des œuvres littéraires nouvelles, les quelques distractions intellectuelles qui autrement lui eussent totalement fait défaut. C’est ainsi que, au hasard de l’inspiration, — soit pour