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ce simplement l’un de ces riens inattendus qui viennent parfois brusquement heurter certaine fibre du cœur trop prête à vibrer ? Elle-même n’aurait pu le définir. Mais à peine eut-elle prononcé ces mots, répétés deux fois comme en rêve, qu’un spasme jailli de l’âme, l’étreignit subitement à la gorge. Elle se contint cependant et ne se trahit pas. Seule une rapide crispation de figure lui tordit momentanément les lèvres. Se domptant tout de suite, elle reprit, la voix légèrement frémissante :

— « Va, si tu savais, Jacqueline, comme cela me fait plaisir de te retrouver à côté de moi. »

Puis elles n’avaient plus su quoi se dire, ni l’une ni l’autre.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

À ce moment le soleil commençait à se pencher dans son ciel et allongeait par la porte entr’ouverte de grands rayons tranquilles sur les tapis. Partout au dehors, c’était délicieux. On n’entendait aucun bruit ; seulement le gloussement des poules qui, caquetant çà et là, se promenaient dans la basse-cour ou faisaient la chasse aux sauterelles dans l’enclos voisin. C’était si pur aussi que le versant de montagne — tout vent par ses sapins, ses épinettes, ses fougères — qui délimitait la ferme, au loin, semblait se prolonger sur elle.

Jacqueline captivée admirait doucement la majesté du tableau. Tout à coup elle aperçut Lucas, sa longue faulx à l’épaule qui débouchait du sommet d’un coteau. Il suivait à pas lents un petit sentier de vaches perdu sous les arbres.