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Les laboureurs, qui lentement revenaient des champs derrière leurs chevaux harassés et encore sanglés de leurs lourds harnais de labour, devaient l’entendre de très loin, jusque de Belœil, cette voix mâle et fière qui attestait en leur nom la puissance de la Divinité !

Le tonnerre pouvait gronder, rugir, allonger ses fulgurants éclairs sur les plaines ; la pluie, la grêle, les bourrasques mauvaises pouvaient s’abattre et arracher du sol les grains dorés ; la neige, le grésil, les poudreries inlassables pouvaient tout ensevelir, la voix proclamait quand même dans un accent d’allégresse son imperturbable confiance au Créateur :


Je crois en toi, maître de la nature,
Semant partout la vie et la fécondité,
Dieu tout-puissant qui fit la Créature,
Je crois en ta grandeur, je crois en ta bonté.


Les paysans écoutaient pieusement cet hymne de foi profonde, cet hymne suave et majestueux qui descendait, ils ne savaient d’où, dans l’ombre grandissante, mais qui les remuait, leur parlait à l’âme, tombait comme une prière de muezzin dans leurs oreilles ravies.

Car tout était devenu infiniment calme dans la campagne autour. Plus de cris de commandement aux attelages cabrés alors que le soc s’enclave trop profondément dans le sol durci ; plus de meuglements prolongés chez les troupeaux qu’on ramène des pâturages… rien que cette voix jeune et sereine dont les échos se rapprochaient de plus en plus, se précisaient davantage :