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telles étroites, des chemisettes à liséré rose où restaient encore accrochés, semblait-il, les rêves, roses aussi, au milieu desquels tout cela avait été exécuté. Comme elle avait travaillé, n’est-ce-pas !

— Le jardinet maintenant, il fallut le voir aussi. De la fenêtre entr’ouverte on en suivait les allées bien ratissées, les plates-bandes droites et taillées comme des équerres. Sur les carrés c’étaient des enchevêtrements de petits pois, des alignements d’oignons à longues queues, raides comme des paratonnerres, des radis qui dressaient leurs panaches verts, et des choux, des groseilles, des pommes vermeilles plus loin…

— « Tu n’en veux pas, Jacqueline ? »

Sans attendre la réponse, elle était partie à la course, traversait les allées, enjambait les sillons. Déjà, les branches des pommiers abaissées, elle en avait atteint les plus beaux fruits et les entassait précipitamment dans son tablier. Et au retour, en esquissant un sourire fier et gamin, elle signale, de sa main restée libre, le faucheur dont on distingue nettement les lourds balancements en cadence, loin, là-bas, dans les champs en pente. « C’était lui, son Lucas… un rude travailleur… dans le genre de Yves, son frère… Tu le connais celui-là ?… »

— « Non, tu ne le connais pas ? » avait repris Marcelle avec étonnement. C’est que, l’autre jour, il m’a si longuement parlé de toi… Tu dois l’avoir rencontré ?… Il demeure maintenant au village, avec son père et sa mère. Il n’a jamais voulu cultiver la