Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/279

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 282 —

seul qui, repassant comme une brûlure dans l’âme du docteur Duvert, lui fait le plus mal. Car il entrevoit maintenant les pauvres affligés auxquels il s’apprête à verser d’autres douleurs. N’ont-ils pas assez souffert ? Faut-il qu’une main amie ajoute encore à leurs peines ?… Cet admirable vieux de Beaumont, si droit et si honnête homme : ce Yves, dont la carrière s’ouvre si brillante… Et sa Jacqueline tant aimée, et lui-même, ne vivant plus qu’un reste de vie dans un milieu où tout ne lui sera que tristesse et remords… Il s’efforce toutefois de se dégager de ces pénibles visions qu’il sent soudainement accourir de toutes parts pour le harceler… Et il proteste, se cabre, s’indigne contre lui-même. Allons, va-t-il reculer… refermer sa conscience sur ce qu’il sait, et accepter de vivre avec le tourment de cette déloyauté hypocrite et lâche à l’égard de ces braves gens ?… Vite, il fouille dans son esprit, à la recherche d’un suprême prétexte d’orgueil, d’honneur, de devoir, mais en vain… C’est comme un vertige subit qui l’étreint, l’oppresse et… tout à coup l’écrase, immobile, là, à quelques pas de la maison, sur un fruste banc de bois de l’avenue.

… Mais déjà la porte s’est ouverte et il entend la voix accueillante du père Beaumont, qui, la main largement tendue, souriant de bonheur, se dirige vers lui :

— « Mais, entrez donc, docteur… Vous vous reposerez plus à votre aise, il me semble… Yves !… Yves ! appelle-t-il aussitôt, tu ne viens pas saluer le docteur Duvert ? » Et lui aussi, avec un geste char-