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cesse écroulés… Cela remontait à l’époque où Yves était chef du laboratoire de la Poudrerie, m’a-t-il dit. Déjà, — à sa seule ambition de gloire, à l’agitation, la gêne soudaine qui lui venait en ta présence ou à la simple mention de ton nom, — il avait soupçonné ses sentiments à ton égard. Et quand ses projets s’étaient effondrés, c’est sur son cœur seul que les débris avaient pesé. Son pauvre Yves, il le revoyait encore, assis sur le rebord du lit, et lui annonçant sa détermination de départ pour la guerre, là, subitement, comme une soif de courir à la mort, de tout endormir éternellement… Il avait bien compris alors et il aurait voulu le consoler, mais une pudeur de toucher à ces choses, si indissolublement mêlées comme au souffle même de l’âme, l’avait arrêté. On n’ose pas entre hommes… S’adresser à toi, te mendier un peu d’affection par simple pitié pour son fils, il avait été aussi à deux doigts de le faire ; puis il avait de même reculé, par peur de ton accueil… Qu’importe, il s’était consolé en voyant Yves s’en aller avec l’adieu plein de cœur que tu lui avais apporté, paraît-il, sûr que cet adieu l’accompagnerait et le soutiendrait partout comme un viatique… C’est depuis ce moment que le père de Beaumont s’imagine que tu aimes son fils. Est-ce assez navrant ?… »

— « Eh ! bien, oui, c’est vrai, mon Dieu !… Je l’aime, » avait proféré cette fois Jacqueline d’une voix brisée et comme sous le coup d’une intolérable détresse.

— « Tu l’aimes ?… Mais pourquoi t’en cacher comme d’une honte ? » insista le docteur en l’attirant à lui