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du sol, s’ingéniait de toutes manières à lui en adoucir le poids. — « J’en profiterai moi-même pour réparer le harnais de Rougeaud. » Toute maternelle qu’elle est, la terre tient à ne mesurer ses largesses que sur les sueurs qu’on lui consacre ; et sans relâche elle sollicite, gourmande, distribue partout ses commandements muets.

Le vieux n’avait jamais regimbé, lui, contre les mille soins qu’elle requiert. Il s’empara du harnais et avec un bruit de boucles et d’anneaux heurtés aux portes, de sangles et de traite rampants sur le plancher, il était allé s’installer dans un coin de la cuisine. — « Cela ne t’embarrassera pas trop, Marcelle ? »

Quand cela aurait été, la pauvre ne se serait pas plainte, tant elle éprouvait le besoin — par cette muette pluie d’automne qui lui détrempait l’âme — de sentir quelque présence chère remuer auprès d’elle.

— « Non, aucunement, » s’était-elle empressée de répliquer.

Son alêne d’une main, sa « babiche », son ligneul de l’autre ; tenant, de ses doigts libres, très exactement superposées les bandes de cuir dont le lien avait cédé, le père Beaumont avait commencé le piquage. Si ses yeux lui faisaient à présent un peu défaut pour fixer les points avec la symétrie d’autrefois, sa vieille main toujours experte devinait, voyait, elle, et la ligne des coutures se prolongeait très droite. De temps en temps, pour mieux ramollir le cuir, il le trempait dans un baquet d’eau tiède disposé auprès de lui, puis il reprenait.